Pipelines au Canada

Petite explication pour éviter la confusion.  Le dictionnaire Larousse donne la définition suivante :    Pipeline :  (mot d’origine anglais) Canalisation pour le transport à distance de fluides, notamment du pétrole (oléoduc), ou de gaz (gazoduc).

HISTORIQUE

Au Canada, un grand nombre de pipelines sont en place, parfois depuis longtemps.  La longueur totale de ce réseau est estimée à 100 000 km, dont le 3/4 est sous la juridiction de l’Office nationale de l’énergie (ONÉ).  Les débuts du réseau moderne de pipelines du Canada remontent aux années 1950.  Durant les années 1920-1930, des découvertes importantes de gisements de pétrole et de gaz naturel conventionnels ont été faites dans l’Ouest canadien, principalement en Alberta, mais l’exploitation industrielle de ces ressources n’a réellement débuté que dans les années 1940 et 1950.

Ce développement a créé le besoin d’acheminer ces fluides vers les lieux d’utilisation, principalement en Ontario et en Colombie-Britannique.  Pour sa part, le Québec a été alimenté en pétrole à partir de 1941 par un pipeline provenant de Portland dans l’État du Maine et se terminant aux raffineries de l’Est de Montréal.  Cette construction permettait d’éviter les menaces des bateaux et sous-marins allemands durant la Deuxième Guerre mondiale.  Ce pipeline a été désactivé en 2015, car devenu vétuste et non utile en raison de l’inversion du pipeline 9B qui provient de l’Ontario.

Ce premier réseau de conduites visait principalement les usages internes du pays, mais dès 1955 un premier pipeline traverse la frontière américaine.  C’est une conduite de petite capacité.  Dans les années 80 et 90, plusieurs nouveaux oléoducs et gazoducs transfrontaliers acheminent du pétrole et du gaz du nord vers le sud, mais également du sud vers le nord, principalement vers Sarnia en Ontario, qui est un centre important de raffinage.

Pour leur part, les sables bitumineux sont connus depuis fort longtemps, les populations autochtones utilisant le goudron retrouvé en surface pour étanchéifier leurs canoës bien avant l’arrivée des blancs.  Cependant la production  industrielle de pétrole synthétique à partir de ces sables ne prit son envol que dans les années 1990, les difficultés technologiques étant très grandes.  Voir la capsule énergétique à ce sujet.

SITUATION DEPUIS 1990

Le développement important de l’industrie des sables bitumineux depuis la fin des années 1990 créa  une pression pour sortir le pétrole produit en Alberta et destiné principalement à l’exportation, soit vers les États-Unis, soit vers l’Asie et l’Europe.  Plusieurs projets sont à l’étude actuellement, deux vers la Colombie-Britannique (Trans Mountain, Northern Gateway), un vers le Québec (Énergie Est) et un vers les États-Unis (Keystone XL).  Le  système de pipelines canadiens est de plus en plus intégré à celui des É.U.  À titre d’exemple et en contradiction de l’information souvent transmise, la raffinerie de Montréal utilise actuellement du pétrole provenant majoritairement du Dakota, et non pas de l’Alberta.  Même si ce dernier pétrole est moins cher, il est très lourd, plus corrosif, contient une quantité importante de métaux lourds et est difficile à raffiner sans modifications coûteuses des installations actuelles.

Carte_pipelines_Canada

Carte simplifiée du réseau d’oléoducs canadiens et de ses ramifications aux États-Unis.  L’ensemble du réseau américain n’est pas représenté ici.   Source :  Association canadienne de pipelines d’énergie, http://www.cepa.com/map/.

Selon les données de BP, pour l’année 2015, le Canada a consommé en moyenne 2.3 millions de barils de pétrole par jour.  De ce chiffre, 34 % provient d’importations, principalement des États-Unis, surtout destinées au marché de l’Est.  Le graphique qui suit, produit par Statistique Canada,   présente l’évolution des importations de pétrole au Canada entre 2005 et 2015.  Le reste de la consommation est assurée par le pétrole de l’Alberta et celui des provinces de l’Atlantique.

Provenance_pétrole_Québec

La production de pétrole de source conventionnelle au Canada est en diminution constante, les réserves s’épuisant rapidement.  D’un autre côté, le développement des sables bitumineux s’accélère depuis le début des années 2000 pour atteindre en 2016 une production de 2.4 millions de barils par jour.  L’objectif des compagnies pétrolières est d’augmenter cette production à 3.4 millions de barils en 2025 et 5 millions de barils vers 2040.  Cette production est donc largement excédentaire aux besoins du Canada.  Le graphique qui suit représente la somme du pétrole conventionnel et non conventionnel produit au Canada entre 1965 et 2015.  La croissance en est due exclusivement aux  sables bitumineux.

Historique_production_pétrole_Canada

Le développement de nouveaux pipelines est donc une conséquence directe du désir des compagnies d’augmenter l’exportation du pétrole de l’Ouest vers les marchés internationaux.  Sans nouveau pipeline, pas d’augmentation possible de la production, car l’Alberta est enclavée au centre du pays.

FUITES

En principe au Canada, les compagnies propriétaires des pipelines sont tenues de développer des programmes de protection de la sécurité et d’intervention d’urgence spécifique à leurs équipements  afin de gérer et d’atténuer les risques posés pour la population et pour l’environnement. Ces programmes sont passés en revue, inspectés et vérifiés par l’ONÉ.  Mais qu’importe le programme de sécurité, les fuites de combustible sont inévitables.  De plus, depuis quelques années l’ONÉ a  diminué ses contrôles et vérifications, ce qui diminue d’autant la vigilance des compagnies qui exploitent ces conduites.

Quelque 750 incidents se sont produits le long des principaux pipelines au Canada depuis 2008, selon la base de données de l’Office national de l’énergie (ONE). Malgré les mesures de sécurité et même si la plupart de ces incidents concernent des fuites mineures, ni le Canada ni les États-Unis ne sont à l’abri d’une catastrophe.

Carte_fuite_pétrole_Canada

Lieu des fuites de combustible, pétrole ou gaz naturel au Canada entre 2008 et 2015.   Source :  Site web de Radio-Canada   http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/762446/pipelines-carte-incidents-canada-petrole-gaz

Des experts ont constaté un manque de contrôle de la qualité sur plusieurs pipelines récents et on voit une hausse des défaillances sur des pipelines relativement neufs.  Le lieu de fuite le plus important sont les coudes, raccords et les vannes, mais la conduite elle-même peut se rupturer en de toutes petites fissures, souvent non détectables, mais parfois en fissures importantes, comme ça a été le cas pour le pipeline d’Enbridge qui a déversé plus de trois millions de litres de pétrole dans la rivière Kalamazoo au Michigan en juillet 2010.  La compagnie eut alors à payer une amende de 61 millions de dollars en plus de devoir défrayer les coûts du nettoyage.

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Les travaux de nettoyage sur la rivière Kalamazoo.  Photo : PC/AP Photo/Joe Raymond

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Les pipelines plus âgés, comme la ligne 9B, enregistrent des déficiences qui augmentent passé 40 ans d’existence.  Cette conduite comme le futur et hypothétique pipeline Énergie Est, traversent de multiples cours d’eau, dont la rivière Outaouais et le fleuve St-Laurent.  Un déversement en amont de Montréal et de Laval serait une catastrophe pour des millions de citoyens, car il n’y a pas de plan B pour l’approvisionnement en eau de consommation lorsque l’on vit sur une île.

Une étude présentée par le ‘Centre national de formation en traitement des eaux’ lors des audiences du BAPE en 2016, démontre que les usines de traitement des eaux au Québec ne sont pas conçues pour détecter et éliminer les hydrocarbures.  Gros problème en vue.

La tendance est de construire des pipelines de plus en plus gros, si une fuite se produit, les conséquences seront donc de plus en plus catastrophiques.  Dans le cas du pipeline Énergie Est, cet oléoduc transportera 1,1 million de barils par jour.  Ce sera le plus gros pipeline en Amérique du Nord.  Une description plus détaillée en est donnée à la page dédiée à ce sujet.

Pour terminer cette partie, il est faux de dire que les pipelines sont plus sécuritaires que le transport par train, car le type de déversement n’est pas le même, la dangerosité ne s’exerce pas de la même  manière et les réparations sont différentes.  Tout transport de combustible entraîne des risques.

Cette description générale de la situation des pipelines au Canada est un survol rapide de la problématique.  Pour avoir une information plus spécifique sur deux pipelines particuliers au Québec et au sujet du transport du pétrole par train, vous pouvez cliquer sur les liens qui suivent.

 

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