CAPSULE ÉNERGÉTIQUE
Régions pétrolières :
On ne trouve pas du pétrole et du gaz naturel n’importe où; à titre d’exemple, le Bouclier canadien, dont font partie les Laurentides et l’Abitibi, est exclu des zones que les géologues prospectent pour ce type de ressource. Riche en métaux tels que l’or et le cuivre, il est dépourvu d’hydrocarbures. Ceux-ci sont des sous-produits de la dégradation de matière vivante aquatique ou transportée par l’eau. On trouvera donc le pétrole et le gaz naturel soit dans des zones d’anciennes mers, par exemple l’Alberta, soit dans des zones lacustres ou sur le bord de plateau continental aux endroits où se déversaient des fleuves importants. La carte qui suit présente les régions où des découvertes ont été faites ou sont potentiellement à faire.
Provinces pétrolières – Source : Y. Mathieu. Le dernier siècle du pétrole. Technip, 2014
Formation des hydrocarbures :
Le pétrole et le gaz naturel ont des histoires très similaires, car ils sont les produits de l’histoire géologique d’une région, et particulièrement de la succession de trois facteurs :
- L’accumulation de matière organique, principalement plancton et végétaux
- Sa maturation pour transformer la matière brute en hydrocarbures
- Son emprisonnement dans des pièges qui servent de réservoir
Ces trois étapes demandent beaucoup de temps, les gisements les plus jeunes datent d’environ 20 millions d’années et les plus anciens sont d’environ 400 millions d’années. Même si des dépôts de matière organique continuent de se faire en ce moment, ils n’ont pas la maturité nécessaire pour servir de combustible.
Le limon composé de phytoplanctons, de zooplanctons et d’autres matières déposés au fond des mers et des zones lacustres forme les sédiments. De siècle en siècle, les couches de sédiments se sont superposées, les nouvelles strates comprimant les précédentes pour former les roches sédimentaires. La quantité de matière organique contenue dans les sédiments peut atteindre 10, 15 et même 20 % du volume. Si l’enfouissement est rapide, cette matière se trouve ainsi protégée de l’oxydation. Le peu d’oxygène libre qu’il y a est rapidement consommé par l’oxydation d’une partie de matière organique, ce qui fait que le reste de la matière devient un milieu anaérobique (sans oxygène).
La matière organique enfouie (composée de C-H-O-N) subit l’action des bactéries anaérobies. Ces bactéries sont celles qui n’ont pas besoin d’oxygène libre, mais qui viennent chercher, dans les molécules organiques, l’oxygène et l’azote dont elles ont besoin pour leur métabolisme; elles soustraient donc de la matière brute le O et le N, laissant le carbone (C) et l’hydrogène (H) : c’est la dégradation biochimique de la matière organique. Pour que cette transformation se fasse, il faut que les sédiments soient à une température d’au moins 50°C. La première phase du processus est alors complétée.
Les carbones et les hydrogènes s’unissent alors pour former de nouvelles molécules composées de ces deux éléments et qu’on appelle des hydrocarbures (HC). Une des premières molécules à se former est le CH4, le méthane, principal composé du gaz naturel. Cette première phase de formation du méthane se passe dans les couches supérieures du sédiment; on dit qu’il s’agit d’un gaz biochimique, parce qu’il est le produit de la dégradation bactérienne.
À mesure de l’empilement des sédiments sur le plancher océanique (milliers de mètres), les molécules d’hydrocarbures sont amenées à des températures et pressions de plus en plus élevées; c’est l’étape de l’enfouissement. À cause de la tectonique des plaques, c’est-à-dire des mouvements de convection très lente de la croûte terrestre, les sédiments s’enfoncent lentement dans le sol. La température ambiante augmente alors, la géothermie se chargeant de fournir le chauffage (incidemment, l’énergie géothermique est le résultat de la radioactivité naturelle des roches terrestres). À partir d’ici, les molécules d’hydrocarbures vont devenir de plus en plus complexes. La dégradation passera de biochimique (régie par les bactéries) à thermique (régie par l’augmentation de température et de pression).
La figure suivante présente un schéma simplifié du processus de formation du pétrole et du gaz. L’axe horizontal exprime le pourcentage d’hydrocarbures formés, l’axe vertical représente la profondeur d’enfouissement.
Dans le premier 1000 mètres, ce sont les bactéries qui agissent et qui transforment les matières organiques en un hydrocarbure immature appelle kérogène, une sorte de pétrole embryonnaire (mot provenant du grec : kêros, cire, et gennân, produire).
Sous les 1000 mètres, c’est la dégradation thermique qui prend place. L’enfouissement conduit, d’une part à une transformation progressive du sédiment en roche (partie minérale) et, d’autre part, à la dégradation thermique des kérogènes.
Entre 2000 et 3000 mètres, c’est la zone principale de formation du pétrole à partir du kérogène. Sous les 3000 mètres, cette formation devient marginale. Par contre, à partir de 2500 mètres, la production de gaz s’accélère et devient importante. À 3500 mètres, on ne produit plus de pétrole, mais uniquement du gaz.
La dégradation thermique conduit progressivement à des phénomènes de carbonisation qui transforment les kérogènes non transformés en hydrocarbures, en un résidu de carbone. Si l’enfouissement dépasse les 4000 à 4500 mètres, tout est cuit et les pétroles et gaz, sont détruits.
Il y a donc des conditions spécifiques d’enfouissement pour former les hydrocarbures. En langage pétrolier, on appelle « fenêtre à l’huile » cette fourchette de profondeurs où se forme le pétrole, et « fenêtre à gaz » là où se forme le gaz. Ce qui explique aussi que dans un champ de pétrole il y a pratiquement toujours du pétrole et du gaz, mais les proportions varient beaucoup d’un site à un autre.
Ces valeurs de profondeurs ne sont pas absolues, elles sont indicatives, car le gradient géothermique peut varier d’une région à l’autre. En effet, ce qui importe, c’est la température à laquelle ont été portés les kérogènes. Compte tenu de la vitesse d’enfouissement, il faut quelques millions d’années pour que le kérogène se transforme partiellement, sous l’effet de la chaleur, en pétrole, gaz, CO2, et eau. À ce stade-ci, on est encore bien loin d’un champ de pétrole. Tout ce que l’on a, c’est une certaine quantité d’hydrocarbures liquides et gazeux, sous forme de gouttelettes disséminées dans la roche.
En volume, ces gouttelettes représentent peu, au départ il n’y avait que 10 ou 15 % de matière organique et une partie seulement de cette matière a été transformée en pétrole, donc ayant des conditions favorables. Le reste est recyclé par la chaîne du vivant ou carbonisé en profondeur. Durant certaines périodes géologiques, le volume de débris organiques excède la capacité de « recyclage » de l’écosystème local. C’est durant ces périodes que ces sédiments riches en matières organiques (surtout des lipides) s’accumulent.
Les roches-mères, c’est-à-dire les sédiments comprimés où la matière organique est disséminée, sont souvent des schistes et calcaires de texture fine. Si la porosité est faible, les hydrocarbures se trouvent emprisonnés durablement dans ces roches. On parle alors de pétrole ou de gaz de schiste, ou non-conventionnel. Pour extraire ces hydrocarbures, il est nécessaire d’utiliser la fracturation hydraulique.
Si la roche-mère est plus poreuse, il arrive fréquemment que les gouttelettes se concentrent, en se déplaçant. C’est le processus de la migration. La migration des gouttelettes de pétrole se fait grâce au déplacement de l’eau dans les formations rocheuses. Les eaux souterraines se trouvent non seulement dans les couches superficielles, mais aussi en grande profondeur où elles circulent très lentement. Ce sont elles qui, en migrant, entraînent les gouttelettes de pétrole.
Pour terminer le processus, il faut que les hydrocarbures soient piégés, c’est-à-dire que le réservoir soit scellé pour empêcher la migration de se poursuivre. Plusieurs situations géologiques peuvent fournir ce piège. Par exemple, une couche imperméable présente une barrière à la migration, les fluides s’accumulent dans la partie haute du pli. Le gaz occupera la partie la plus haute, suivi du pétrole puis de l’eau.
Le pétrole se concentre dans la roche-réservoir, ce sont généralement des grès à grain ouvert et des pierres à chaux poreuses. Bien qu’on utilise souvent dans l’industrie pétrolière le terme de » nappe de pétrole « , le brut ne forme jamais de nappes véritables. Le gisement est formé de milliards de gouttes retenues dans les pores de la roche.
Dans le cas contraire ou quand le bouleversement des couches géologiques libère le pétrole, celui-ci remonte à l’air libre comme un morceau de bois vers la surface de l’eau. Dans un lointain passé, des quantités énormes de pétrole se sont ainsi échappées, les humains d’autrefois ont pu alors en utiliser une infime partie, principalement comme huile éclairante, d’où le nom pétrole provenant du latin qui signifie » huile de roche « .
Si rien n’arrête cette migration vers le haut, les hydrocarbures finissent par parvenir près du sol, où ils se mélangent au sable et sont dégradés partiellement par l’action des bactéries et aboutissent à la formation de bitumes. Les sables bitumineux de l’Athabasca, au Canada, constituent la plus grande accumulation connue de bitumes de cette nature au monde.
Formation du charbon
Le charbon est une roche sédimentaire exploitée en tant que combustible et formée à partir de la dégradation partielle de la matière organique des végétaux. Cette ressource couvrait en 2011 près de 30% des besoins énergétiques primaires mondiaux, c’est donc une des principales ressources énergétiques de l’humanité. Le mot charbon est un terme générique qui désigne un ensemble de combustibles solides de composition et de pouvoir calorifique très variés.
Les végétaux terrestres ne sont apparus en abondance qu’il y a quelque 360 millions d’années, il est donc inutile de chercher dans des roches plus vieilles que cet âge. Les charbons sont particulièrement abondants dans les couches de la période Carbonifère, c’est-à-dire cette période géologique qui se situe entre 360 et 285 millions d’années. Une autre période qui fut propice à la formation du charbon est la période du crétacé (débutée il y a 135 millions d’années et qui dura 65 millions d’années). Le charbon de l’Ouest canadien aurait été formé au cours de cette deuxième période.
Ces combustibles ont en commun une origine végétale et quatre composants en proportion variable : une matière carbonée, de l’eau, des gaz et des résidus minéraux. Utilisé comme combustible dès le 11e siècle, son extraction dans les mines a rendu possible la révolution industrielle du 19e siècle avec le développement du moteur à vapeur et l’accroissement des besoins de l’industrie sidérurgique. Depuis, le pétrole, le nucléaire et le gaz sont venus compléter la palette énergétique disponible.
Étant donné que la formation du charbon diffère de celle des hydrocarbures, sa répartition géographique à la surface du globe est donc très différente de celle du pétrole et du gaz nature. Pour qu’il y ait charbon, il faut que dans un lointain passé il y ait eu des forêts. Le charbon est une variété particulière de kérogène, qui se forme à partir de débris de végétaux (arbres, fougères géantes…) qui s’accumulent durant des millions d’années dans les milieux anaérobies (sans présence de O2), comme les grands marécages. C’est un kérogène qui présente la caractéristique d’être dominant dans le sédiment au lieu d’y être minoritaire. Ces végétaux sont des produits de la photosynthèse, donc composés principalement de carbone, hydrogène, oxygène, azote.
Lentement, avec l’empilement et l’enfouissement sous les sédiments, les corps volatiles (oxygène, hydrogène et azote) sont libérés et le carbone se concentre. À la phase où le dépôt contient 50 % de carbone, on a la tourbe. Avec la poursuite de l’enfouissement, le dépôt se tasse, les gaz s’échappent et le carbone se concentre de plus en plus. À environ 72 % de carbone, on a le lignite, à 85 % le charbon bitumineux, puis à 93 % l’anthracite, qui est du carbone presque pur débarrassé de l’essentiel des autres éléments. Comme il s’agit d’un stade ultime de pyrolyse, l’anthracite est généralement le plus profond des charbons.
Comme les autres kérogènes, le charbon produit du pétrole et du gaz au cours de son enfouissement, bien qu’en faible quantité. La formation de pétrole et du méthane dans la masse du charbon a lieu au stade bitume, et le méthane formé s’appelle, le grisou. C’est cette partie gazeuse qui cause le plus de danger lors de l’exploitation des mines de charbon, car elle présente un risque permanent d’explosion.
Figure montrant le processus de formation du charbon. Source : Bourque, université Laval